Le permis de conduire est un privilège

0
189

Depuis un an, je t’ai accompagnée, assise à ta droite dans le banc du passager. Je t’ai prodigué quelques conseils de conduite hivernale que l’expérience m’a appris. J’ai travaillé très fort pour ne pas faire les angles morts à ta place et pour ne pas allonger mon bras pour partir les essuie-glaces quand les gouttes de pluie me dérangeaient plus à moi qu’à toi. Je me suis mordu les lèvres les fois où j’aurais eu envie de dire : « ne fais pas ci, ne fais pas ça ». Je t’ai regardée du coin de l’œil, fière de te voir progresser, les mains à dix heures dix sur le volant bien décidée à obtenir ton permis de conduire.

un privilège
Crédit photo: Pixabay

Depuis un an, plusieurs usagers de la route se sont impatientés, inconscients que tu étais en apprentissage. J’ai ressenti l’envie de crier au camionneur du 53 pieds de changer vers la voix de gauche la première fois où tu es entrée sur une autoroute. J’ai failli regarder avec des fusils dans les yeux l’automobiliste qui t’a klaxonnée lorsque, sur la ligne d’arrêt, s’éternisait ton « mille et un, mille et deux, mille et trois…» Et que dire de la fois où une dame a cavalièrement passé devant toi pour voler ta place de stationnement parce que tu prenais ton temps pour bien faire les choses! 

Le permis de conduire est un privilège, pas un droit

Dans la belle province, on partage nos routes avec plus de 5 000 000 de personnes qui, comme toi, ont aussi un jour appris à conduire. Elles ont obtenu le privilège de posséder un permis de conduire. Parce que conduire est une permission. Un privilège. Conduire n’est pas un droit. Ni pour toi, ni pour personne. Pourtant plusieurs font fi de certains règlements et semblent agir comme si la route leur appartenait. Hey Joe Téméraire! Le seul asphalte qui t’appartient est dans ton entrée devant ta maison! 

Ma fille, maintenant que tu as ton permis de conduire en poche, les panneaux routiers, tu les connais tous. Les règles de sécurité, tu es prête à les appliquer. Tes réflexes sont aiguisés. Mais la courtoisie au volant, ce savoir-vivre que semblent connaître trop peu de gens, qu’en est-il? Ce n’est pas écrit dans le guide qu’il faut parfois remercier d’un signe de la main celui qui t’a laissé passer. Qu’un sourire peut sécuriser le petit qui a peur de traverser.

C’est si facile d’être impatient. Des coups de klaxon harcelants, des doigts d’honneur intimidants, des mots durs et on ne peut plus méprisants… Pour gagner quoi au juste?Presque chaque jour, il nous arrive d’être témoin ou même victime de manque de courtoisie au volant, d’impatience, de manœuvres risquées et de chauffeurs cinglés. Ma fille, avec tes amis remplis d’hormones, le lobe frontal pas complètement développé et la casquette à l’envers par-dessus le marché, sauras-tu faire preuve de tolérance? 

Le permis de conduire : je me souviens d’être patient

Souviens-toi qu’au volant de la voiture devant toi, c’est peut-être une grand-maman. Comme celle que tu aimes tant. C’est parce qu’elle a son permis de conduire qu’elle peut venir nous rendre visite même si sur l’autoroute, elle roule un peu moins vite. La suivre si collé, lui mettre de la pression, la stresser, ça donnerait quoi? Souviens-toi qu’un jour, ce sera ton tour.

Souviens-toi que dans la voie de droite, ce sont peut-être des parents qui, comme on l’a déjà fait pour toi, sont en route pour le service de garde. Ils font patiemment la file dans la circulation qu’ils voudraient certainement plus fluide. Rien ne sert de vouloir t’avancer avec arrogance pour  ensuite t’immiscer entre-deux. Respecte-les et attends comme eux, à la queue leu leu. 

Le permis de conduire : je me souviens d’être courtois

Souviens-toi qu’à l’intersection, si les voitures sont toutes arrivées en même temps, il n’y a pas de compétition pour savoir qui repartira en premier. Vous décollerez en même temps, vous freinerez, vous hésiterez. Rien ne sert de s’impatienter. Communique, lève ta main pour offrir la priorité. Tu ne seras pas en retard pour ça, tu n’as pas à t’inquiéter.

Souviens-toi que lorsque tu vois quelqu’un traverser devant toi, c’est un piéton qui a peut-être les pieds gelés, une dame qui est préoccupée, un écolier qui s’est fait intimider. Toi, dans ta voiture, la chaufferette à « hi » avec ta musique dans le tapis, n’avance pas tranquillement vers eux comme s’il fallait les éliminer.

Le permis de conduire : je me souviens de l’indulgence

Souviens-toi que le champion qui te colle au derrière sur l’autoroute n’est qu’un pauvre Joe Téméraire qui pense que la route lui appartient. Ne te laisse pas impressionner. Change de voie et laisse-le passer. N’entre pas dans son jeu, ne ralentis pas juste pour l’ écœurer. Il fait déjà assez pitié.

Souviens-toi que lorsque, sur le feu rouge, un mendiant viendra te demander la charité, il ne le fait pas de gaieté de cœur. Il vit un moment difficile. Il préférerait sûrement être à ta place. Souris-lui. S’il te reste une barre tendre dans ton lunch, offre-lui.

Souviens-toi qu’une distraction, ça arrive à tout le monde. Même à toi.

Depuis la dernière année, tu y as pensé tous les jours. Tu en as rêvé. Ton permis de conduire, tu le tiens enfin dans tes mains! Je me réjouis pour toi, je sais ce que ça signifie. Les deux mains sur le volant, regarde droit devant et avance dans cette nouvelle étape de ta vie.

Sortez flûtes et champagne, l’époque « maman taxi » est révolue! Un lift à gauche, un lift à droite? C’est bien fini pour moi!

Vous avez aimé le sujet? Vous aimerez sans doute cet article également de Sophie Barnabé. Pour nous suivre sur Facebook, c’est par ici.
Révision: Annie Fournier

Article précédentMa garderie
Article suivantL’aromathérapie à l’ère du coronavirus!
mm
Fière maman d’une fonceuse de 17 ans et d’un courageux de 19, je suis enseignante en marketing au niveau collégial, séparée et banlieusarde assumée. Entourée de jeunes aux hormones dans le tapis presque 24 heures sur 24, j’excelle quand vient le temps de relativiser et de dédramatiser. Les longues minutes passées dans la circulation m’amènent à avoir des réflexions sur l’actualité, sur le sens de la vie, sur ma réalité qui ressemble probablement à la vôtre… Riche d’une confiance en la vie et d’un désir de venir à la rencontre des autres, j’ose, depuis quelques années, mettre sur papier mes idées, mes bulles, mes folies à travers différents écrits qui allient humour, sensibilité et humanité. Collaboratrice régulière depuis août 2018.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.